Sa crise du centenaire
Histoire inspirée du jeu Chroniques d'un vampire millénaire
Cette fois, la porte ne flanqua pas et ne le ferait jamais plus. Elle vola à travers la pièce pour se fracasser sur un mur en torchis. Son père eut à peine le temps de se redresser de sa paillasse, de pousser un grognement que Jo l’avait déjà saisi. Ses doigts s’insinuèrent dans la chaire comme ils l’auraient fait dans l’eau. Une eau douce, tiède, n’opposant aucune résistance. Il saisit la colonne vertébrale de son géniteur qu’il broya simplement, sans effort.
S’il était parfaitement conscient de ses actes, ses gestes, eux, n’étaient guidés que par un nouvel instinct primaire, ou peut-être étaient les traces de tout ce qui l’habitait, tout ce qui l’avait construit ? Il ne choisit pas de prendre cette vie en un claquement de doigts, il le fit… naturellement. Il aurait aimé voir son père souffrir, l’entendre supplier, lui rendre ce qu’il avait donné avec tant d’ardeur, mais ses nouvelles aptitudes l’en avait privé. À l’époque, il ignorait que jusqu’à la mort de leur première proie, les jeunes créatures de son espèce disposaient d’une force démesurée, bien au-delà de celle de leur congénère… Il l’apprendrait bien plus tard.
Le corps déjà flasque, s’affaissa d’autant plus et Jo jura avant de plonger ses crocs dans la jugulaire de sa victime, encore secouée de quelques spasmes. Ses pupilles se rétractèrent, ses muscles se crispèrent et il découvrit une extase qu’il pensait impossible. L’espace d’une seconde, il repensa à Astrid, à Lambert se gavant de son cœur et il l’envia…
Écoeuré, il envoya valser le cadavre et sortit dans la rue où des lanternes cherchaient la source du vacarme. Les murs des maisons se teintaient d’une aurore qui commençait à poindre. Son corps lui hurla de trouver un abri. Plus jamais il ne pourrait s’approcher de Durand qui ferait forcément le rapprochement. Il fila de rue en rue, bousculant violemment les curieux qui ne s’en relèveraient jamais et trouva refuge au pied des montagnes, dans une grotte dont émanaient des grognements, mais quelle que soit la nature de la créature qu’il aurait à affronter, son instinct lui dictait que nulle morsure ne serait plus douloureuse que celle du soleil.