Notre fin
Histoire inspirée du jeu Chroniques d'un vampire millénaire
Si son départ du royaume de France avait été tumultueux, son arrivée en Valachie n’en était pas moins catastrophique. La calèche qui l’amenait à son domaine traversait de plus en plus de volutes rougeâtres. Son fief, les villages avoisinants, la région entière semblaient livrés aux flammes. À la vue de ses terres calcinées, Geoffroy bondit hors du véhicule. Prenant appui sur le chauffeur dont il broya le corps et il parcourut en un instant les quelques encablures qui le menaient à son château. Il n’en restait rien. Les nuits suivantes lui apprirent qu’il n’était pas l’unique cible de la révolte paysanne et que la plupart des nobles étaient, au mieux, chassés de chez eux. Certains fuyaient par la route. Lui, parmi d’autres embarqua au port de Varna, espérant trouver refuge dans une région qui lui était alors inconnue : Londres.
Il ne comptait plus les heures où, bloqué dans son sarcophage, il attendait. Sans qu’il n’ait pu y faire quoi que ce soit, le navire qui le transportait, le Demeter s’il se souvenait bien, avait sombré en eaux profondes. La pression sur la caisse était telle que sa force ne lui servait en rien, il était incapable de sortir. Seul le silence des profondeurs et l’ennui accompagnaient son attente. Jamais auparavant, il ne s’était privé de sang au-delà de quelques jours, mais cette fois le sevrage allait bien au-delà : des semaines, des mois, peut-être même des années ? Les coachs en développement personnel d’aujourd’hui encouragent l’ermitage, l’asile en soi-même, mais aucun d’eux n’a dû connaître la retraite forcée d’un immortel que la soif même ne peut tuer.
Un jour, enfin, entendit-il du mouvement autour de lui, des frottements et quelque chose qui semblait le soulever. Une lumière aveuglante le tira de sa torpeur alors que des hommes venaient d’éventrer sa caisse. Leur histoire eût été bien différente s’ils s’étaient exécutés quelques heures plus tôt, mais la nuit était pleine et seuls les rais de la lune, bien inoffensifs, vinrent lécher la peau fripée de Geoffroy. Les années avaient complètement ankylosé ses muscles, pourtant, même amoindri, il restait bien plus rapide qu’un humain normal et personne sur le bateau n’eut le temps de réagir avant d’être éventré. Seul le capitaine du navire fut épargné dans un éclair de lucidité. Alors qu’il l’avait immobilisé au sol, Geoffroy s’alarma du contact du métal glacé de la coque sur sa peau. « Du métal… Qui flotte ? » Combien de temps était-il resté au fond des eaux ?