Histoires de jeux

« Ah Robin, te voilà. 
– Mmmm… Salut petit Jean.
– Moh ! C’est quoi cette tête ? Toi, tu as t’es encore querellé avec Belle Marianne.
– Non… Enfin… Si mais…
– Ah ! Je le savais.
– Nan, mais c’est pas ça petit Jean. Tu sais, je me pose plein de questions sur ce qu’on fait.
– Ben, on discute. D’ailleurs, pousse-toi un peu que je pose une fesse.
– Mais non pas ça. Je veux dire… On détrousse des gens…
– Oui mais que les riches.
– Oui mais justement. Plus ça va, plus je me dis que ces riches, ils ont aussi une vie… une famille.
– Oulà, mais qu’est-ce qui t’arrives mon ami ?
– Ben tu sais, quand on rapine, on laisse des gens à moitié nus, dans la forêt… Ils ont peut-être des enfants à nourrir.
– Oh t’inquiètes, que même après avoir croisé notre compagnie de joyeux précepteurs anonymes, ils n’en sont pas à manger des racines sur un quignon de pain.
– Non, mais quand même. Est-ce que c’est vraiment bien ce qu’on fait ?
– Pour sûr que c’est bien !
– Regarde, maintenant, on piste même le trajet de leurs calèches et on se transmet les infos. C’est leur vie privée quand même.
– Haro Robin ! Déjà parles plus bas, parce que ton discours, là… Ça fait pas trop forêt de Sherwood si tu vois ce que j’veux dire.
– Certes.
– Et c’est quoi l’étape d’après ? Tu vas me dire qu’avec la servitude, ils donnent du travail à des familles ? Qu’ils prennent des risques en misant sur des gueux ?
– … Je vois ce que tu fais et c’est pas bien petit Jean.
– Ben je te ramène à la raison mon ami. Tu sais quoi ? J’ai l’impression que tu nous fais une crise de la vingtaine.
– Une quoi ?
– C’est frère Tuck qui m’a expliqué ça.
– Encore une bondieuserie ?
– Nan même pas. En fait, à 20 ans environ, nous autres, les hommes, on commence à réfléchir à la faucheuse qui va bientôt nous rendre visite.
– Et ?
– Ben on se met à faire n’importe quoi. On convoite la gueuse d’un autre, on veut changer de cheval… Toi, visiblement, tu remets tes choix en question.
– Ah ! C’est pas bête mais j’dois faire quoi ?
– Mais j’en sais rien, moi. J’écoute qu’un mot sur deux quand Tuck parle. Tu lui demanderas. En attendant, viens ! un petit oiseau m’a glissé à l’oreille que la carriole du sieur Arnault ne devrait pas tarder à passer par le chemin des loups. »

[…]

« Bon alors Robin, as-tu arrêté de te mettre martel en tête pour nos généreux donateurs.
– Oui, je suis désolé, je ne sais pas ce qui m’a pris.
– Oublions ! Si nous allions ripailler ?
– C’est Belle Marianne qui préparait le ragoût aujourd’hui.
– Ah ! Bon ben allons cueillir quelques baies, ça sera mieux que rien.
– Dis petit Jean, je peux te poser une question ?
– Fais donc mon ami. Qu’est-ce qui te tracasse encore ?
– Tu crois que l’Histoire se souviendra de nous ?
– Ah ah ! Robin. Toujours une charrette de retard… J’ai déjà demandé à frère Tuck de coucher nos aventures sur manuscrits.
– Oh ! Et je suis dedans ?
– Oui Robin, mais en second couteau par contre. Ben oui t’es toujours là à te lamenter, ça fait pas très héros.
– Ouais c’est vrai.
– Il m’a déjà montré quelques enluminures. Il m’a fait avec une armure en cuir noir et toi… et bien, ma foi, une combinaison verte, jaune et rouge… tes couleurs quoi…
– Ouahhh c’est à peine croyable, et ça s’appelle comment ?
– Il avait mis “Tijean et Robin”. Mais j’aime pas trop.
– Ben ouais et puis moi ça fait vraiment acolyte…
– Je crois que je vais lui demander de changer. On appellera ça “Les aventures de Petit Jean”. Ouais, ça, c’est classe. D’ailleurs, en parlant de classe… Ça va te paraître bizarre comme question, mais ça t’embêterait si Tuck t’avait dessiné avec une tête de renard ? »