Histoires de jeux

« Oyez ! Oyez ! Prêtez-moi l’oreille chers amis, et approchez-vous de ma modeste échoppe. Madame… Que vois-je ? Vous êtes superbe, mais que diriez-vous d’une petite lotion pour faire disparaître ces verrues ?
– C’est la vérole qu’elle a ma gueuse, tu comptes l’appliquer toi-même ta potion ?
– Je n’oserai toucher la femme d’un autre, mais j’ai ici moult onguents qui pourraient ravir votre belle famille.
– Mais bien sûr !
– Ohhhh, je vois bien que vous doutez, brave homme, mais je suis sûr que vous pourriez trouver, ici, chausse à votre pied… Qu’est-ce qui vous amène au marché ?
– C’est qu’j’ai décidé d’accompagner ma femme… Y paraît qu’y a d’drôles d’oiseaux sur c’marché et qu’j’aime pas trop qu’elle gaspille l’fruit d’mon labeur à s’faire plumer par queques damoiseaux.
– Ah oui ! Ces charlatans… N’allez pas trop l’ébruiter, mais évitez la tente au Manu là-bas, il vendrait du sable à un bédouin. Mais bon… Je ne vous ai rien dit.
– Et qui m’dit que vous n’êtes pas un de ces foutus camelots ?
– Je vois que vous avez l’œil mon ami. Oubliez-les potions qui sont sur l’étal, c’est pour les novices, je vais vous concocter quelque chose rien que pour vous. Que voulez-vous ? Un philtre d’amour pour découcher à la nuit tombée sans payer un sou ? Une potion de force ? Non, vous êtes déjà costaud. Oh ! Attendez, j’ai ce qu’il vous faut : une potion de vigueur.
– C’est quoi ce machin ?
– Une liqueur à base de tomate, d’un peu de citrouille, de Cardamome et de quelques ingrédients secrets sans abuser des claques-doigts, sinon : BOUM ! Et pour sa fonction, dîtes-vous qu’elle vous permettra de travailler plus longtemps.
– Je passe déjà tout le jour à travailler à la since.
– Et bien, vous pourrez travailler de nuit.
– Et pourquoi que j’ferai ça ?
– Pour gagner plus pardi !
– Votre potion d’vigueur, elle va agrandir mes champs ? Parce que sinon je n’vois pas en quoi je peux vendre deux fois plus de blé.
– Ah, oui ! Mais vous pourrez travailler plus vieux, peut-être même jusqu’à 41 ou 42 ans qui sait ? Vous voyez bien que vous vendrez plus à terme.
– Je s’ra d’jà mort depuis longtemps.
– Pas avec la potion que j’vous prépare.
– Et si j’vis plus longtemps pourquoi qu’il faudrait que j’travaille jusqu’à ma mort ? J’suis à la ferme depuis que j’ai douze ans, j’va sans doute mourir dans l’champ, mais toi tu voudrais que j’vive ça encore plus longtemps ?
– Ah… Oui… Et bien, si vous ne le faîtes pas pour vous, faîtes-le pour votre bailleur… Ou pour qui vous voulez. Allez, j’vous prépare ça, ça fera 3 sols…
– Ah parce qu’en plus, il faut que j’te paye pour repousser ma mort et que l’bailleur puisse exploiter mon travail jusqu’à ce que je mange enfin les pissenlits par la racine ? J’vais quand même aller voir la tente au Manu là-bas, parce que si c’est vraiment un charlot pire que toi, ça doit être un sacré spectacle.»