Histoires de jeux

Carnets d’une résistante - Jour 63

Depuis que la Marquise des Chats a débarqué, ses sbires nous traitent comme des animaux qui ne sont rien. Ils nous ont relégués aux plus basses besognes, nous insultent et nous méprisent à longueur de temps. Au début, certains d’entre nous ont bien tenté d’être dans leurs bonnes grâces, mais c’était peine perdue. Les chats ne font aucune différence. Que vous les aidiez ou non, si vous n’êtes pas un chat, vous êtes juste un dominé. Ils profitent que vous soyez au sol pour vous surplomber, bomber le torse et regarder au-dessus de vous comme si le simple fait de croiser votre regard les rabaisserait. Je les hais… Chaque jour un peu plus.

Je repense parfois à mon université. Celle où j’officiais, toute heureuse de partager mon savoir à de jeunes souriceaux plein d’espoir. Ce temps est révolu… Du moins pour l’enseignement. Pour ce qui est d’être heureuse, je m’applique chaque jour à l’être un peu plus. Ma petite fierté du moment ? Voilà deux semaines qu’ils m’ont attribué le nettoyage des litières du château. Entre l’odeur d’ammoniac et ces saletés de petits grains qui se collent aux poils, j’étais à deux doigts de craquer quand j’ai eu une révélation : dans chaque litière propre, je répands un peu de poudre de poils à gratter moulu. Deux semaines qu’ils se demandent pourquoi leur rondelle et leur langue les irritent constamment et ces imbéciles ne se doutent pas une seconde qu’une souris pourrait leur causer tant de tracas. Je ne sais pas si une faction les renversera un jour, dans chaque coup de langue qu’ils se donnent, je vois une victoire personnelle.

« Écoute ! Arrête d’aiguiser cette machette, on doit parler de tout ça calmement.
– Calmement ? Comment pourrait-on parler de ça calmement alors qu’ils nous martyrisent, nous, le peuple et qu’ils mentent éhontément pour couvrir leurs actions ?
– Je sais que tu as une dent contre la Marquise des chats, en bonne castor, je dirais même que tu en as deux.
– La Marquise… La Marquise… Comme si c’était notre seul problème. T’as l’impression qu’on était mieux loti quand les aigles suprémacistes étaient à la gouverne ?
– Non… J’ai pas dit ça… Avec leur petit air snobinard là. Foi de blaireau, j’ai jamais pu les blairer.
– On n’avait plus de vie privée avec les piafs. Ils observaient nos moindres faits et gestes avec leurs moineaux de surveillance. La Marquise, elle, veut nous faire trimer jusqu’à la mort. C’est pas une vie non plus ça.
– C’est vrai que dit comme ça…
– Alors joins-toi à nous. On ne peut pas rester comme ça, on doit faire quelque chose.
– Toi, joins-toi à moi. Pour nous les vagabonds, cette guerre de tranchées dans les sous-bois, c’est une mine d’or. On achète à bas coût, on revend au plus offrant, on évite de s’embarquer dans les combats et on rapine les cadavres. C’est le moment idéal pour t’enrôler.
– Et puis quoi encore ? Ça me dégoûte que tu fermes les yeux comme ça. Je n’avais même pas encore mes dents définitives que j’entendais déjà parler de peuple qui se soulève, mais c’est là ! C’est maintenant le grand soir, tu ne peux pas rester dans ton coin et penser uniquement à ta petite personne. »

[…]

« Franchement Blaireau, je suis trop contente que tu sois avec moi sur la barricade.
– Hey ! C’est que t’es assez convaincante quand tu veux.
– Ouais ben fais attention avec ton fumigène-là, on peut crâmer le château, mais il ne s’agirait pas d’allumer un feu de forêt.
– Ah ouais, pas faux ! Bon par contre, c’est bruyant quand même vos manifs, mais voir tout le monde réunis, quelle que soit l’espèce, le corps de métier,… C’est chouette. Et puis tous ces costumes, ces pancartes, en vrai, on rigole bien. Bon par contre, on est d’accord que le groupe d’hiboux enseignants, c’est bizarre leur flashmob, nan ?
– Ouais cherche pas trop va. Par contre Blaireau, au sujet du bruit, c’est toi qui tapes dans tes casseroles depuis tout à l’heure, on ne fait pas ça, nous.
– Ben quoi, c’est fun… En plus, en bon vagabond, j’en ai toujours dans mon paquetage. Les soldats de la Marquise ne vont pas m’empêcher d’en avoir quand même, si ?
– Oh ! Tu sais, par les temps qui courent… »