Chroniques d'un vampire millénaire

L'analyse

Je cherchais depuis quelque temps à replonger dans l’univers du jeu de rôle et, peinant à trouver le public pour de futures parties de Root ou de Cowboy Bebop, j’ai commencé à m’intéresser aux JDR solo et notamment au système Mythic. C’est alors qu’un utilisateur de Mastodon m’a conseillé de me pencher sur Chroniques d’un vampire millénaire, édité par la loutre Rôliste. Un système de jeu inconnu, un univers vampirique qui m’attire sans plus… Allons-y, me dis-je, ça ne pourra pas vraiment être pire que ma récente expérience Lovecraftienne.

Avant de s’enfoncer dans les détails du jeu, faisons un petit détour sur le “livre de règles”, qui, en lui-même, est déjà un superbe objet ; la couverture marbrée rehaussée de dorures à chaud en impose dès le premier regard. Comme Zephiriel le note dans sa chronique sur proxi-jeux, les pages du livre auraient pu avoir un grain plus fin et ne pas être plastifiées pour donner encore plus de cachet à l’objet, mais gageons que l’éditeur avait ses propres raisons pour ce choix. Lesdites pages sont parsemées de taches de vin, croquis et divers collages, pour introduire délicatement la notion de journal intime que vous serez amené à rédiger.

Voici donc le cœur du jeu : chroniquer la vie, la non-vie et la fin d’un être qui traverse les siècles, tantôt humain, tantôt cruel, brillant, misérable, entouré de mortels, de créatures ou parfois complètement seul. Les règles qui guideront votre processus d’écriture, ne sont pas complexes, bien que certains termes soient mal choisis et compliqués à pitcher selon moi (amorces, souvenirs, compétences, journal, ressources, …), le plus simple est sans doute de décrire le cheminement ainsi : vous archivez les aventures du vampire que vous avez décidé de créer, griffonnant des souvenirs que vous aurez l’occasion de compléter puis d’oublier, car si le temps s’étire pour un immortel, sa mémoire, elle, est limitée.

Je lis, ici ou là, que ce jeu de rôle pourrait s’apparenter à un livre dont vous êtes le héros, mais je trouve la comparaison assez hasardeuse. Loin de moi l’idée de dénigrer les livres-jeux, car c’est un type de littérature que j’apprécie, mais on y subit l’histoire en ayant un maigre pouvoir sur le choix des embranchements à emprunter. Chroniques d’un vampire millénaire est un travail d’écriture, de création de A à Z ou des contraintes vous sont parfois amenées par le livre de règles (les fameuses amorces). C’est là aussi où, selon moi, le livre va au-delà d’une aide à l’écriture (comme peut l’envisager Polgara dans le podcast cité plus haut), puisque la plupart du temps, il vient entraver ce que vous aviez imaginé et vous vous retrouvez à composer pour respecter les souvenirs déjà chroniqués et les nouvelles contraintes imposées.

Ces contraintes sont suffisamment dirigistes pour gêner vos plans tout en restant assez floues pour laisser libre cours à votre créativité. La liberté est, pour moi, la caractéristique principale de cette aventure, car vous décidez absolument de tout : les époques, les lieux, les rencontres… Libre à vous de puiser dans vos connaissances ou de vous laisser enivrer par le plaisir de la recherche sur des périodes que vous connaissez peu, des cultures différentes. La durée des sessions de jeu n’est pas imposée : d’aucuns y joueront vingt minutes, d’autres préféreront faire une aventure d’une traite. Pour ma part, je lis souvent une nouvelle amorce/contrainte avant d’aller me coucher, laissant la nuit guider mon imagination. Le lendemain ou plusieurs jours après, je me documente sur les idées qui me sont venu (pour respecter les prénoms, les habits, les décors, …) puis j’enchaîne plusieurs souvenirs d’affilée où, cette fois, je laisse la place à l’intuition, à l’instantanéité.

J’ai tenté l’expérience de répertorier les pérégrinations d’un vampire au fur et à mesure de ses souvenirs, de ses oublis. Très honnêtement, je ne sais pas si c’est quelque chose qui peut se partager, qui peut être compréhensible, voire lisible, mais au cas où, n’hésitez pas à y jeter un œil par curiosité et à y revenir de temps en temps, après tout, ces chroniques ne sont pas terminées.

Je ne savais pas du tout où je mettais les pieds avec ce jeu de rôle solo, d’autant plus que le thème vampirique ne fait pas partie de mes préférés, mais force est de constater que j’y ai trouvé un formidable compagnon d’écriture, une invitation à la créativité, à chercher plus que la facilité d’un cheminement bien rôdé. J’aurai plaisir à créer plusieurs immortels, dans des époques différentes, avec plus ou moins de sadisme ou de bonté. Plaisir à confronter mes connaissances sur la culture populaire au sujet des vampires, en décrypter les limites, comprendre les miennes et sans doute m’étudier encore plus que les créatures qui passeront sous ma plume.