Histoires de jeux

Le pitch

La gamme “Choose Cthulhu” de Shakos revisite l’œuvre de H.P. Lovecraft sous forme de livres-jeux. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas ce terme ou celui de “Livre dont vous êtes le héros”, imaginez un livre où à la fin de chaque section, vous pouvez influer sur la direction que prendra le récit en choisissant entre plusieurs chapitres, celui qui sera le suivant.

Le premier tome “L’appel de Cthulhu”, amène la joueuse à parcourir le monde sur les traces de son oncle défunt qui lui a laissé un bien étrange héritage. Ce dernier, chercheur émérite, avait pour sujet d’étude un sombre culte mondial voué aux grands anciens et particulièrement à Cthulhu. La joueuse peut alors choisir le chemin qu’elle souhaite emprunter : enquêter sur les événements étranges et coordonnés qui ont eu lieu à travers le monde, se renseigner sur le bas-relief aussi mystérieux qu’inquiétant que son oncle lui a légué ou scruter ses notes à la recherche du moindre indice ? Quels que soient ses choix, la joueuse parcourra le monde de la Louisiane à l’Antarctique, de l’asile d’Arkham à la cité de R’lyeh, tentant de comprendre, de survivre et de ne pas sombrer dans la folie qui semble toucher toute personne s’approchant du culte.

L'analyse

Je gardais de mon adolescence, de très bons souvenirs des 3 ou 4 livres-jeux qui avaient croisé ma bibliothèque. C’est après avoir visionné l’excellente table ronde de Rôliste TV sur le sujet que l’envie m’a pris de m’y remettre. J’ai écumé les vide-greniers qui sont légion dans ma région, je me suis renseigné sur les BD-jeux de Makaka, les bibliothèques verte et rose pour ma fille, puis vers les éditions Alkonost pour mon propre plaisir, sans jamais vraiment sauter le pas. Finalement, pour compléter un panier de jeux de société et profiter d’une livraison gratuite, je suis tombé sur la gamme “Choose Cthulhu” qui m’était suggérée. “Un signe des grands anciens”, me dis-je… Bon, on ne va pas tourner autour du pot, j’aurais mieux fait de payer mes frais de port.

Pour éviter d’attaquer par les choses qui fâchent, j’aime une partie de l’édition : ce petit format à couverture dure et aux pages jaunies est plaisant et la saga, qui devrait contenir une quinzaine de tomes, pourrait avoir fière allure dans une bibliothèque.

Fermés, les livres sont plaisants, ouverts, c’est une tout autre histoire. Je pense qu’il y a de gros problèmes, au moins d’édition. Chaque page est dédiée à une section et quand cette dernière est un peu courte, une illustration vient combler les trous. Quand la qualité d’impression de ces dernières ne permet pas de deviner ce qui est représenté, c’est qu’elles sont dans un format complètement ridicule : hommage à l’asile d’Arkham, qu’on pourrait confondre avec un vulgaire caillou.

L’autre gros problème, qui, selon moi, émane d’une demande éditoriale, c’est le format. Une page par section, une centaine de pages, ça laisse très peu de place pour développer un récit, surtout un récit dont on ne parcourt qu’une partie en fonction de nos choix. On se retrouve donc avec une histoire très hachée, des sauts dans le temps et l’espace qui pourraient correspondre au format originel de l’Appel de Cthulhu, mais qui, ici, ne permet jamais réellement d’accrocher le lecteur.

Si l’écriture de l’œuvre originale peut sembler soutenue et exigeante en termes d’accessibilité, ce livre-jeu, souffre quant à lui d’un récit fade et peu inspiré. La taille des sections peut y être pour quelque chose, mais je pense que c’est surtout l’adaptation au format d’exploration qui ne fonctionne pas. Régulièrement, les choix ne semblent pas clairs sur ce qui nous attend, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, ça l’est beaucoup plus quand on regarde les deux choix et que les deux résultats n’ont rien à voir avec le fait même d’avoir choisi. Par exemple : je décide d’abandonner quelqu’un à son sort, il est massacré par des autochtones et moi ensuite ; si je décide de l’accompagner, ces mêmes autochtones nous laissent passer… Allez savoir pourquoi.

Si la folie est omniprésente dans l’univers de Lovecraft, elle est assez inexplicable dans ce livre. D’une page à l’autre, on passe d’un état d’esprit tout à fait neutre au massacre de 20 personnes sans explication. J’ai eu le même sentiment qu’en voyant le massacre que Kubrick a fait de la folie qui hante crescendo Jack Torrance, le personnage principal dans Shining, le chef-d’œuvre de Stephen King.

J’ai tenté de nombreuses sessions de lecture pour trouver LA voie. Celle qui ne me plongerait pas dans la folie, qui ne me conduirait pas à une mort certaine ou à l’abandon de ma quête pour couler des jours heureux. Si j’ai compris assez vite que cette voie était sans doute sans issue, je ne m’attendais pas à ce que mes pas foulent à ce point le chemin de l’ennui.

Quelle déception ! Peut-être avais-je trop fantasmé mes souvenirs de livres dont vous êtes le héros. Finalement, cette littérature particulière n’est-elle plus adaptée à mon style de lecture ? À défaut de la folie, la gamme “Choose Cthulhu” m’a plongé dans le doute. Doute levé par le Retour d’Askavre dont je vous parlerai prochainement.

L'avis de Greg

J'ai moins aimé :

  • Beaucoup trop court et condensé pour être captivant.
  • Des illustrations complètement gâchées.
  • Une écriture, au mieux, fainéante.
  • Pas une bonne porte d'entrée quand on ne connaît pas l'univers.
  • Pas une bonne porte d'entrée quand on (re)découvre les livres-jeux.

Leandro Pinto, Edward T. Riker

Shakos

1

à partir de 8 ans

20 minutes

11.90 €

Livre jeu, Cthulhu

Philibert

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